dimanche 15 mai 2011

Comment cacher les pauvres sous les statistiques

SEUIL DE PAUVRETÉ


Comment cacher les pauvres sous les statistiques

D’après une étude de l’Insee, la proportion de Français vivant sous le seuil de pauvreté est stable (13%) depuis des années. Petit détail: la définition du seuil de pauvreté est issue d’un calcul qui peut donner des résultats très différents selon la méthode utilisée.

La pauvreté a quelque chose d’arbitraire. Ça ne veut pas dire qu’elle est abstraite, et ceux qui la côtoient savent bien ce qu’elle représente. Mais l’arbitraire arrive quand on veut la transformer en pourcentage. Donc, l’Insee vient de publier une étude montrant que 13% des Français (soit 8 millions de personnes) vivent en dessous du seuil de pauvreté. Et l’institut précise que ce taux n’a pas bougé depuis des années. Mais qu’y a-t-il derrière ces statistiques?

Dans les pays pauvres, c’est simple, le seuil de pauvreté est défini par un chiffre rond (un dollar par jour, parfois deux). Mais dans les pays développés, comme la France, on se lance dans des calculs mathématiques pas toujours très simples.

Avant tout, il faut préciser que l’Insee s’appuie sur les déclarations fiscales. Du coup, les ménages trop pauvres pour remplir une déclaration de revenus ne sont pas pris en compte. Exclus également des statistiques les pensionnaires des maisons de retraite, les prisonniers et les SDF. Tout ce monde représenterait environ 2% des Français parmi les plus pauvres.

Pauvre ou riche, tout est relatif

Mais venons à la cuisine de l’Insee. La première étape est le calcul du «revenu médian» des Français (ce qui n’est pas la même chose que le «revenu moyen», voir plus bas). Si vous avez un revenu égal au revenu médian (949 euros par mois, en France), cela veut dire qu’il y a autant de gens qui gagnent plus que vous que de gens qui gagnent moins. Le seuil de pauvreté est — arbitrairement — défini comme 60% de ce revenu médian.

Il s’agit donc d’une pauvreté relative : vous n’êtes pas classé en fonction de ce que vous pouvez acheter, mais de votre position dans l’échelle des revenus. On pourrait dire que c’est une mesure de l’inégalité… Le problème, c’est qu’elle est souvent trompeuse.

Imaginons, par exemple, que le revenu des classes moyennes diminue. Cela fait diminuer le revenu médian. En toute logique, il y a moins de gens situés en dessous. Et l’Insee peut en conclure que la pauvreté diminue… Alors qu’en fait c’est l’inverse!

Même chose si la majorité de la population est dans un mouchoir de poche question revenus, c’est-à-dire sans trop d’écart entre les très pauvres et les moyennement pauvres. Il y a donc peu de monde en dessous du fameux seuil (rappel: 60% du revenu médian). Et cela aboutit à l’absurdité suivante : si on compare le taux de pauvreté dans les pays européens, ceux où il est le plus faible sont la République tchèque, la Hongrie et la Slovénie. Véridique!

Gagner plus pour acheter moins

Encore un exemple des fausses interprétations auxquelles peut mener cette définition de la pauvreté. Il tient au fait que les montants des très gros salaires (ou dividendes, évidemment…) ne changent pas le revenu médian. En effet, seul le nombre de riches intervient dans le calcul, mais le fait que les millionnaires gagnent dix, vingt ou cent millions ne change rien à l’affaire. De sorte que, même si les très riches le sont de plus en plus (ce qui est le cas), cela n’affecte pas le nombre de pauvres.


Mais imaginons que, pour définir le seuil de pauvreté, on remplace le «revenu médian» par le «revenu moyen» des Français. L’augmentation des très gros revenus va alors accroître le revenu moyen de la population. Ce qui va augmenter le seuil de pauvreté. Et donc le nombre de gens situés en dessous. Conclusion : dans un cas, le nombre de pauvres est le même, et, dans l’autre, il augmente.

Une autre chose qui n’est pas prise en compte dans le calcul, c’est le pouvoir d’achat. L’Insee nous dit qu’il y a autant de pauvres aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Soit. Mais on ne tient pas compte du fait que les classes moyennes ne peuvent plus s’acheter des choses qu’elles pouvaient s’offrir il y a vingt ans. Tiens, une idée, comme ça: si, dans la définition du seuil de pauvreté, on tenait compte de l’accession à la propriété? Vu qu’il est bien plus difficile d’acheter une maison aujourd’hui qu’en 1970, on pourrait en déduire une augmentation de la pauvreté… Mais, justement, c’est peut-être cela qu’on ne veut pas dire. Ne jamais oublier que le choix des chiffres statistiques n’est pas seulement mathématique, il est aussi idéologique.

Antonio Fischetti

Article paru dans Charlie Hebdo n°955 du mercredi 5 octobre 2010

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