samedi 10 septembre 2011

La France grignotée par l’étalement urbain

Symbole d’accession à la propriété, la maison individuelle est très prisée par les ménages français. Cet engouement a généré un développement périurbain, ou « étalement urbain », à l’origine de l’accaparement d’espaces naturels ou agricoles et de la multiplication des déplacements. De fait, selon un récent rapport de Réseau Action Climat (RAC), l’envolée des prix du foncier est moins responsable de l’étalement spatial des agglomérations que le développement de l’automobile et la prédilection pour l’habitat individuel.

En terme d’impacts environnementaux, les émissions liées à la mobilité locale ont progressé de 17 % entre 1994 et 2008, soit près de trois fois plus que l’augmentation de la population. L’artificialisation des sols (1), et plus particulièrement la disparition des prairies permanentes, réduit également les capacités de stockage du carbone dans les sols. En fragmentant les habitats naturels et en isolant les populations, elle fragilise également la biodiversité. Dès lors, les écosystèmes en sont affectés et se montrent moins résistants face aux bouleversements climatiques. Ainsi, l’étalement urbain contribue notamment à augmenter le risque d’inondation. D’une part, l’imperméabilisation des sols amplifie le ruissellement des eaux de pluies, augmentant le niveau des crues. D’autre part, la course à la construction gagne les zones inondables. Entre 1999 et 2006, l’augmentation du nombre de logements en zone inondable atteignait 8 %, soit autant qu’en dehors de ces zones à risques. Le littoral est, lui aussi, soumis à une forte pression, en particulier sur les côtes atlantiques et méditerranéennes. Entre 2000 et 2006, le taux d’artificialisation des communes littorales était ainsi le double de celui de la moyenne hexagonale.

Le secteur agricole est, lui aussi, fortement affecté par le phénomène d’étalement urbain. En France, entre 1960 et 2009, la surface agricole utile (SAU) a diminué d’environ 15 %, passant de 34 à 29 millions d’hectares. Selon l’enquête TerutiLucas (2008), l’artificialisation s’impose comme le deuxième facteur de réduction des surfaces agricoles, derrière le boisement lié à la déprise agricole. En outre, les meilleures terres agricoles sont souvent celles mobilisées en raison de leur localisation à proximité des zones les plus peuplées.

L’Etat a sa part de responsabilité dans l’apparition de ce phénomène. Visant à fluidifier le trafic, la reprise des projets autoroutiers élargit la zone d’influence de l’agglomération, alimentant insidieusement l’étalement urbain. La France est ainsi la championne des infrastructures routières en Europe. De même, les dispositifs d’aides au financement du logement (de type Scellier, PTZ + etc.) favorisent la construction en milieu diffus. Bien qu’inscrite dans les lois Grenelle, la lutte contre l’étalement urbain pâtit d’un manque de cohérence. L’aménagement durable des territoires nécessite tout à la fois des mesures réglementaires et fiscales, un effort de planification ainsi qu’un renforcement des compétences locales en la matière. A l’aide de ces leviers, le RAC appelle à un rééquilibrage des territoires, afin de donner « un nouvel essor aux petites et moyennes agglomérations au sein de bassins de vie organisés de manière cohérente ».

Cécile Cassier

1- Communément, la notion d’artificialisation des sols concerne l’occupation bâtie (habitations, locaux commerciaux, etc.) ou revêtue (voies de circulation, parkings…), les activités d’extraction et de stockage des déchets ainsi que la transformation d’espaces naturels ou agricoles en espaces verts (pelouses, jardins…).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire